Avec élégance et fluidité, Vincent Freulon s'attelle à la traduction et et à l’adaption de la nouvelle de Frantz Kafka, Rapport pour une académie.
Déraciné
de sa vie de singe depuis cinq ans, dans sa loge d’artiste, le singe nous
fait la leçon. La leçon de son assimilation. Plaire, intégrer les codes
de cette société pour espérer trouver une issue dans ce monde
occidental.
Capturé en Guinée, notre spécimen est enfermé dans une cage.
Si sa condition de singe ne le réduit qu’à l’enfermement, alors ainsi soit-il, il ne sera plus un singe et deviendra un homme, seule issue désormais possible pour recouvrer un semblant de liberté.
Mais à quoi bon la liberté quand singe il a pu la connaître, et qu'en tant qu'homme elle n’est que duperie. Fuir ? Ce serait la mort assurée. La seule solution reste alors de nous singer, cracher, fumer, et surtout s’alcooliser.
S’il imite les hommes ce n’est que pour mieux s’en sortir, et assurer sa survie, jamais par admiration.
Sont alors projetées des images d’archives de l’exposition coloniale. La leçon est claire, le rapport implacable.
Khadija El Mahdi ne s’y est pas trompée. En mettant en scène la différence, l’acculturation, elle nous donne à voir l’envers du décor dans cette loge de singe savant.
L'adaptation du Rapport pour une académie de Kafka colle comme une évidence à la sensibilité de Mahmoud Ktari. Le message passe, sans violence, sans haine. Son jeu enjoué et engagé nous ouvre les portes d'un grand texte.
Khadija El Mahdi, Vincent Freulon et Mahmoud Ktari nous entraînent dans l’histoire, notre histoire, celle de l'intégration. Celle de la domination culturelle. On sort grandi de cette farce amère et tellement d’actualité.
Rapport pour une académie, de Franz Kafka
Vu au Théâtre La Croisée des Chemins le 27 janvier 2019
Spectacle éligible aux P'tits Molières 2019
