Les Vagues d'après Virginia Woolf



Il est toujours intéressant de voir comment un roman aussi particulier que Les Vagues peut être adapté au théâtre.
Mettre en scène un texte aussi mystique et lyrique ne peut accoucher d’une mise en scène lisse et donnée.

Le rideau tombé c’est d’une rêverie dont on se réveille. L’impression de ressortir groggy de cette plongée dans l’univers intérieur de Virginia Woolf que l’adaptation de Georgia Azoulay rend accessible.


Les personnages se retrouvent autour de l’autel, seuls, déboussolés. Le solaire Perceval est mort.
La réalité se révèle alors à eux, ils sont perdus.

Ils ont essayé de trouver leurs repères dans le concret d’une vie qu’ils subissent.
Louis se cache dans l’automatisme routinier du travail rythmé par le bruit de la machine à écrire.
Suzanne s'oublie dans son rôle de mère de famille qui lui échappe.
Rhoda se noie dans ses addictions, entre boulimie et alcoolisme.
Bernard consigne dans ses carnets les petites phrases qui lui viennent, sans cesse spectateur de ce qui l’entoure sans parvenir à être réellement acteur de sa propre destinée.
Neville se perd dans le fracas de la nuit, de la fête, Jinni dans sa quête d’une jeunesse éternelle.

Leurs vies ne sont que des artifices qui camouflent un mal-être, une quête perdue.
La mer et ses remous se confondent avec leurs états d’âme.
Ils semblent faire des allées et venues dans un monde réel dont ils n’ont que faire sinon trouver une place dans laquelle ils se sentent mal à l’aise.

Alors les corps exultent et expriment la souffrance d’un renoncement à un idéal que Perceval incarnait.
Qu’ont t-ils perdu en perdant Perceval ?
Leur jeunesse, leurs rêves? l’espoir et la naïveté sûrement.
Théophile Charenat, Alexandra d’Hérouville, Thomas Ducasse, Marie Guignard, Laura Mélinand et Pénélope Levy dégagent une brume de romantisme rafraîchissante tout en nous ramenant sans cesse aux tréfonds d’une lutte sans ego et sans égal.

De leurs jeux d’enfants disparus, il ne reste que des souvenirs vivaces, les costumes ont remplacé les vêtements de coton vierge, place alors aux cravates, au velours, à l’artifice qui ronge leur peau.

Apprêtés pour l’enterrement de leur ami, réunis autour du cercueil rouge flamboyant à l’image de l’aura de Perceval, ils se retrouvent broyés par les vagues et les remous du temps qui passe.
D’un texte mystique Georgia Azoulay donne vie à une ode à la jeunesse et aux rêves qu’incarnent ses acteurs emplis d’énergie.
Sur la scène, l’écume insolente se mêle aux corps fiévreux et torturés qui luttent contre l’absurdité d’une vie qui leur échappe.

 
Au Théâtre de Belleville Jusqu'au 27 septembre 2019.
D’après Les Vagues de Virginia Woolf De Georgia Azoulay
Mise en scène Georgia Azoulay.

Jeu Théophile Charenat, Alexandra d’Hérouville, Thomas Ducasse,
Marie Guignard, Laura Mélinand et Pénélope Levy.
Conseiller artistique et technique Jim Thomasson.