À L’ABORDAGE ! de Emmanuelle Bayamack-Tam d'après Marivaux

 

 

 

  « L’amour existe. » C’est sur ces mots que s’achève Arcadie, le roman d’Emmanuelle Bayamack-Tam, autrice à qui Clément Poirée a commandé la réécriture du Triomphe de l’amour de Marivaux, y décelant comme une figure inversée d’Arcadie. D’un côté, l’amour libre, de l’autre l’abstinence moralisatrice. Quel dialogue possible entre ces deux utopies ? Quelle voie choisir pour ces personnages porteurs de désir, qu’ils le clament ou le taisent ?

 

 

Deux femmes se donnent tous les moyens de conquérir le cœur de l'être aimé, retranché dans une communauté qui s'est écartée du monde pour ne plus avoir à souffrir des affres de l'amour.

Recluse, la communauté vit confinée non pas pour s'épanouir mais pour fuir ce qu'elle ne sait pas combattre : l'amour .

'Leur idée c'est que l'amour rend malheureux et fou. Donc, si tu supprimes l'amour, bingo, tout le monde recouvre la santé mentale.'

 Le Triomphe de l'Amour version Clément Poirée c'est un peu fuir le bonheur de peur qu'il ne se sauve. Ca swing, c'est suave mais le texte est dur et implacable.

Le triomphe n'est pas celui de la raison ni de l'amour mais le triomphe de nos faiblesses, du désir.

Dès les premières répliques Sasha annonce le dénouement : le seul moyen de résister à la tentation c'est d'y céder. Il n'existe pas d'échappatoire possible.

Le désir attise notre orgueil, notre ego.  Avec Marivaux comme avec Clément Poirée le désir est triomphant.

L'abstinence semble être la seule arme possible pour résister à l'appel de la forêt comme le nomme justement Emmanuelle Bayamack-Tam. Le désir est sauvage, inné. Pas de résistance possible sinon la fuite.

le pari de Clément Poirée d'adapter le texte de Marivaux aussi librement est un pari osé qui bouscule un texte connu et en extrait l'essence pour mieux traduire nos angoisses et nos complexes exacerbés par cette injonction du plaire et du paraître.

Le décor fait de tentures translucides jette un voile sur une pudeur qui s'envole et dévoile cette angoisse profonde de ne pas être désiré, regardé, et, pourquoi pas, aimé.  

Louise Grinberg et Elsa Guedj s'harmonisent entre fougue, passion et frivolité. Leur complémentarité et leur complicité s'accordent à la fraîcheur de cette jeunesse qui n'a pas froid aux yeux.
Le titre A l'abordage ! traduit le courage  qui anime le cœur de ces femmes qui n'ont peur de rien pour arriver à leur fin et bousculer l'ordre établi. Elles font leur révolution.

Bruno Blairet, François Chary, Joseph Fourez et David Guez excellent dans leur caractère et leur particularité. Frileux, peureux, naïfs ou libres de s'affranchir, ils se distinguent chacun dans leur partition.

Si les personnages de Marivaux se dessinent naturellement sous nos yeux, ils s'effacent pour laisser place à la réécriture personnelle et contemporaine d' Emmanuelle Bayamack-Tam. 

Plus qu'une guerre des sexes, c'est une guerre générationnelle qui se joue sur le plateau. Le droit à l'amour doit évoluer. Lutter dans ses retranchements contre l'évolution des sentiments et des libertés des cœurs et des corps c’est fuir une réalité.  

Le regard de Clément Poirée nous offre cette lueur salvatrice et nous ouvre les portes d'un monde plus ouvert, moins frileux. Une adaptation pleine d'espoir et tellement moderne dans son intention.



 

 

À L’ABORDAGE ! texte Emmanuelle Bayamack-Tam d’après Le Triomphe de l’amour de Marivaux mise en scène : Clément Poirée

avec :  Bruno Blairet Kinbote , François Chary Arlequin - Sandy Boizard Theodora - Joseph Fourez Dimas - Louise Grinberg Sasha - David Guez Ayden - Elsa Guedj Carlie 

collaboration à la mise en scène : Pauline Labib-Lamour 

scénographie : Erwan Creff 

lumières : Guillaume Tesson 

costumes : Hanna Sjödin assistée de Camille Lamy 

musique et sons : Stéphanie Gibert assisté de Wilhelm Garcia-Messant 

maquillage : Pauline Bry

régie générale : Silouane Kohler

habillage Émilie Lechevalier 

 production Théâtre de la Tempête ; avec la participation artistique du Jeune Théâtre national. 

Le Théâtre de la Tempête est subventionné par le ministère de la Culture, la Région Ile-de-France et la Ville de Paris.