Nous sommes en 493 avant Jésus-Christ, à Rome. Caïus Martius s'illustre dans la bataille menée par Rome contre les Volsques.
Porté par son triomphe, désormais surnommé Coriolan, il brigue le poste de consul.
Lui, le guerrier fougueux qui méprise la plèbe, se voit pousser par sa mère Volumnia à jouer le jeu de l'hypocrisie afin de s'attirer les faveurs du peuple et de ses paires.
Mais emporté par son caractère entier, Coriolan ne peut s’empêcher d'invectiver ce peuple qu'il dédaigne. Banni, il s'allie au chef des Volsques, Tullus Aufidius, et mène une bataille victorieuse contre Rome. Écoutant une fois de plus sa mère, il renonce à sa victoire. Une volteface qui lui coutera la vie, assassiné par le chef des Volsques qui n'admet pas cette ultime trahison.
François Orsoni s'empare de la pièce créée par Shakespeare en 1607, essai philosophique sur les arcanes de la stratégie politique, et achève ainsi son triptyque autour du théâtre politique après ses adaptations de La Mort de Danton de Büchner puis de Monsieur le Député, de Sciascia.
Du classique de Shakespeare François Orsoni crée une pièce qui oscille entre un kitch étincelant, un sens de la dérision sublime et un tragique de chaque instant.
Alors que du haut des gradins trône la mère, et dans la fosse le peuple, Coriolan livre ses batailles sur le plateau, des batailles que François Orsoni rend éclatantes.
Les combats entre Alban Guyon et Pascal Tagnatis, ennemis ou alliés selon les conjonctures, sont chorégraphiés dans un show qui n'est pas sans rappeler les codes de la mise en scène d'un match de catch.
Alban Guyon campe Coriolan dans toute sa fureur, énergique et charismatique, il exulte toute la colère et l'orgueil de cet homme franc qui, poussé par trop d'orgueil, se refuse à toute concession.
Si sa nature fait de Coriolan un personnage tragique François Orsoni n'occulte pas toute la profondeur psychanalytique de la pièce.
Estelle Meyer, en mère implacable et tyrannique, porte les vers shakespeariens dans un souffle qui se fait râle tant sa rage de voir ce fils incapable d'accomplir ses aspirations la ronge.
François Orsoni décortique les mécanismes de l'accès au pouvoir et ses manipulations inhérentes. Le corps et le ventre, allégorie du peuple et du pouvoir dirigeant qui introduit la pièce, illustre le mal qui altère jusqu'à nos jours nos démocraties. Le pouvoir se joue du peuple dont pourtant il est l'élu et dont il n' a de cesse de chercher le consentement par des discours trompeurs et des intentions feintes.
Jean-Louis Coulloc’h interprète à lui seul ce peuple pris dans ces rapports de domination et de séduction qui biaisent le débat démocratique.
François Orsoni met en scène l'hypocrisie de la politique qui se fait performance et dont les débats se réduisent à un spectacle à l'esprit courtisant.
Oscillant entre la bouffonnerie et le tragique François Orsoni met en scène la politique spectacle et ces hommes en proie à un langage codifié qui les dépasse.
La révolte sans cesse sous-jacente est muée par une forme qui éblouit par trop d'effet le libre arbitre.
Troublante, frontale, l'adaptation de Coriolan de François Orsoni surprend et séduit.
François Orsoni et ses acteurs délivrent une représentation foisonnante et étourdissante.
Coriolan, de
William Shakespeare, mise en scène
de François Orsoni au Théâtre le Bastille jusqu'au 7 octobre 2022.
Traduction :
Jean-Michel Déprats
Avec :
Jean-Louis Coulloc’h,
Alban Guyon,
Thomas Landbo,
Estelle Meyer et
Pascal Tagnati
Bruitage :
Éléonore Mallo
Lumières :
François Orsoni et Antoine Seigneur-Guerrini
Scénographie et costumes :
Natalia Brilli
Photographie :
François Prost « After Party » 2018
Régie générale :
Antoine Seigneur-Guerrini
et François Burelli
Création sonore et régie son
: Valentin Chancelle
Administration et production :
Manon Galinha
Production et diffusion :
Karine Bellanger
Bora Bora productions
Production :
Théâtre de NéNéKa
Coproduction :
Spaziu culturale Natale Rochiccioli –
Cargèse, Théâtre d’Ajaccio, Théâtre
de la Bastille, Théâtre d’Arles – Scène
conventionnée d’intérêt national – art
et création – nouvelles écritures, Le
Liberté – Scène nationale de Toulon et
Théâtre de Propriano.
Avec le soutien de la Spedidam et de la
Comédie de Reims, Centre dramatique
national.
La compagnie est soutenue par
la collectivité de Corse et la ville
d’Ajaccio.
Sophie Trommelen, vu le 14 septembre 2022 au Théâtre de la Bastille