S'emparant du sujet de la vieillesse, le collectif IN ITINERE crée une représentation pleine de tendresse qui aborde de manière sensible les sujets de l'amour et de la fin de vie.
Au son nostalgique de l'accordéon, les comédiens évoluent masqués, des masques confectionnés par la main de l'artiste Lucien Cassou qui grave les traits de ces visages marqués par le temps.
Le réalisme se mêle alors à la puissance théâtrale. Une forme scénique qui puise dans la force du mime.
La gestuelle des comédiens se substitue alors aux mots et en dit beaucoup de ces corps fatigués et de l'universalité du propos.
Coincés dans la maison de retraite comme des poissons dans leur bocal, les résidents vivent au rythme immuable des cours d'aérobic ou de leur prise de cachets, un rythme qu'ils subissent sans conviction.
Le collectif IN ITINERE met en scène l'infantilisation des personnes âgées, qui malgré un corps qui se meut avec difficulté, n’empêche pas la vivacité d'un esprit sensible et un vague à l'âme prégnant.
La compagnie lève le tabou de l'amour qui fait encore et encore palpiter les cœurs, et surtout celui du choix d'une fin de vie qui, quand l'âme lasse de trop de blessures, ne demande plus qu'à s’éteindre.
Pourquoi les vieux, qui n’ont rien à faire, traversent-ils au feu rouge ? amène avec délicatesse de vrais sujets sociétaux.
La mise en scène de Thylda Barès pose toute en finesse et avec un humour communicatif ces corps vieillissants et fatigués, les faisant se mouvoir avec difficultés mais toujours portés par une âme pétillante.
La musique au timbre radiophonique parle de mort, les paroles de Si on devait mourir demain de Pascal Obispo ou Je voudrais mourir sur scène de Dalila résonnent aussi fort que les chansons d'amour de Joe Dassin ou Lara Fabian.
Un doux mélange de chansons populaires qui parlent à tous et qui imprègnent la représentation d'une douce mélancolie.
IN ITINERE représente ces petits vieux, nos petits vieux, sans condescendance et avec une humanité qui transcende le plateau.
La compagnie interroge l'arbitraire d'un jugement, tronqué par la fragilité et la fébrilité d'un physique vieillissant, qui occulte l'éveil de ces esprits qui ont leurs mots à dire, et encore beaucoup à transmettre. S'exprimer sur la vieillesse, c'est s'exprimer sur nous, notre devenir, et plus largement sur un modèle de société qui doit évoluer.
Mêler l'humour et le plaisir d'une théâtralité réjouissante à un thème plein d'humanité est le pari réussi du collectif IN ITINERE.
Un moment de pure poésie qui ouvre le regard et donne la voix à nos ainés et à l'idée d'une société plus inclusive et plus bienveillante.
Pourquoi les vieux, qui n’ont rien à faire, traversent-ils au feu rouge ? de In Itinere Collectif du 7 au 26 juillet 2023 à Presence Pasteur dans le cadre du Festival Off d'Avignon
Mise en scène : Thylda Barès
Avec en alternance : Victor Barrère, Andrea Boeryd, Yejin Choi, Paul Colom, Julia Free, Elizabeth Margereson, Ulima Ortiz, Tibor Radvanyi
Création lumière et régie : Clémentine Pradier
Production : In Itinere Collectif
Coproduction : C3 le Cube – Douvres-la-Délivrande, L’Odyssée – Scène Conventionnée de Périgueux, Théâtre Victor Hugo – Bagneux, Festival Éclat(s) de Rue – Caen, Le Silo – Essonne
Soutien : Ville de Merville-Franceville, le Département du Calvados, la Région Normandie, L’Étincelle – du Théâtre de la ville de Rouen, Théâtre de Fontenay-le-Fleury, La Petite Pierre – Gers, CCOUAC – Meuse, Théâtre de l’Unité,
Odia Normandie, CFPPA du Calvados
Avec le concours de CNSA, Culture Santé, Hôpital Bretonneau-Paris, EHPAD Topaze – Dozulé, EHPAD La Fontaine-Marly-le-Roi, Marche Pied
© In Itinere Collectif
Sophie Trommelen, vu le 18 décembre 2022 au Lavoir Moderne Parisien
