Il est des personnages dont la postérité a galvaudé l'intention première de leur créateur. A l'image de La Lolita de Nabokov, le nom de Dom Juan s'est ainsi perdu dans l'inconscient collectif. Dom Juan n'est pas un libertin glamour. La cruauté de Dom Juan s'exprime dans cette impossibilité à jouir, à profiter d'une vie faite que d'instants, à se satisfaire ne serait-ce que d'une nouvelle conquête. L'adaptation de Macha Makeïeff confirme toute la complexité du personnage de Molière. Loin de vouloir figurer les affres d'un séducteur boulimique, Macha Makeïeff s'attache à la représentation d'un homme en perdition.
L'insatiabilité charnelle de Dom Juan ne nourrit jamais tant son plaisir qu'un vide qu’aucune jouissance ne semble combler. S'éveillant au monde depuis son alcôve aux étoffes chatoyantes, Xavier Gallais, magistral, interprète cet homme au cœur atrophié, qui usé et attaqué de tous les côtés, voit l'instabilité de son comportement bousculer une quiétude impossible. La distance arrogante de son attitude est sans cesse mise à mal, fracturée par un enchainement d’événements qu'il croit contrôler mais qui toujours vient ébranler sa posture ironique. La succession de scènes inachevées, bousculées, s'exprime à travers la mise en scène de Macha Makeïeff comme la conséquence d'un comportement suffisant, instable et égoïste. Les lumières de Jean Bellorini en un clair-obscur pictural s'étirent jusqu'au rouge flamboyant et figurent la fin tragique d'un homme dépassé.
Monter Dom Juan s'est aussi monter la complicité d'un couple impossible, celui du maitre et de son valet. Vincent Winterhalter impose la présence de Sganarelle avec toute la subtilité et l'intelligence que ce rôle de contrepoids induit. Contredisant, rééquilibrant sans cesse l'intempérance de son maitre, Vincent Winterhalter combat l'impuissance que sa condition lui impose avec une ironie qui elle seule lui permet de s'opposer à l'immoralité de son maître.
La noirceur de l'âme de Dom Juan contraste alors avec la partition comique, d'une vitalité prégnante, de Joaquim Fossi, Anthony Moudir, Xaverine Lefebvre et Khadija Kouyaté. La jeune troupe de comédiens insuffle un vent de fraicheur qui ancre la pièce dans un réel auquel Dom Juan se refuse.
construction des accessoires : DTMS Machiniste Constructeur du Lycée professionnel Jules Verne - Sartrouville
coproduction : compagnie MadeMoiselle – Macha Makeïeff, Théâtre national populaire –Villeurbanne, Châteauvallon-Liberté – scène nationale de Toulon, Théâtre national de Nice, Le Quai - CDN Angers Pays de la Loire, Grand Théâtre de Provence
avec le soutien du Dispositif d’Insertion de l’ÉCOLE DU NORD, financé par le Ministère de la Culture et la Région Hauts-de-France ; du dispositif d’insertion professionnelle de l’ENSATT ; de Arsud ; du Pavillon Bosio, École supérieure d’arts plastiques de Monaco
la compagnie MadeMoiselle est soutenue par le ministère de la culture création en mars 2024
Sophie Trommelen, vu le 22 avril 2024 à l’Odéon Théâtre de l'Europe