Servi par une distribution réjouissante, Jean-Paul Tribout adapte avec une fraîcheur magistrale La double inconstance de Marivaux. Captant toute la perversité de ces caractères prêts à tout pour sustenter leurs désirs capricieux, Jean-Paul Tribout exalte toute la perfidie d'un monde de privilégiés qui s'amusent de la candeur de ses sujets.
Le Prince enlève Silvia, jeune paysanne, et entend bien se faire aimer de celle qui n'a d'yeux que pour son Arlequin. L'épouser n'a de sens que si elle y consent, peu importe si ce consentement est biaisé. Aidé de Flaminia, sa fidèle amie et amante, et de son valet Trivelin, le Prince et sa cour manipulent la jeune fille et Arlequin en leur donnant l'illusion d'être maîtres de leurs intentions. Silvia épousera le prince, Arlequin Flaminia, heureux d'un destin qu'ils embrassent d'un élan altéré.
L'adaptation conserve avec bonheur son cachet classique, que les costumes d'Aurore Popineau, tout en matières et couleurs délicates, installent dans l'époque.
Sans jamais tomber dans l'écueil du clin d’œil facile à une actualité qui résonne inexorablement en écho, Jean-Paul Tribout et sa troupe de comédiens infusent dans chaque acte, chaque scène, la double lecture de l'humour et de la cruelle lucidité d'un texte qui, à chaque réplique, démontre que les thèmes problématiques de l'ascendance sociale et de la manipulation, désormais dénoncés haut et fort dans la société, n'ont rien de moderne et sont bien ancrés depuis des siècles.
Grâce à une direction d'acteur des plus précises, Jean-Paul Tribout dissèque la mécanique de ce petit précis de manipulation psychologique. Se jouant de réactions prévisibles des uns et de la cruauté des autres, la troupe insuffle à la comédie la pertinence d'un ton juste porté par un rythme captivant.
Jean-Paul Tribout et ses comédiens s'emparent du texte avec une dextérité et un sens du plateau jouissif, une adaptation réussie doublée du plaisir exquis de retrouver les comédiennes Marilyne Fontaine et Emma Gamet, magistrales.
Crédit photos : © Lot
La Double Inconstance de Marivaux au Théâtre du Lucernaire jusqu'au 3 novembre 2024