La Mouette d’Anton Tchekhov mise en scène de Stéphane Braunschweig

 


Après son adaptation de 2001, alors directeur du Théâtre de Strasbourg, Stéphane Braunschweig revisite à l'aune d'une ère nouvelle, heureusement chamboulée par l'impact du mouvement #metoo, le texte de La Mouette de Tchekhov. En soufflant l’acuité de son regard sur un texte toujours aussi étonnant, Stéphane Braunschweig cristallise la clairvoyance d'un propos visionnaire.

Stéphane Braunschweig choisit de placer la pièce de Treplev, considérée par sa mère Arkadina comme décadente, au centre de son adaptation et fustige ainsi l'immuable ritournelle du conservatisme égoïste de ceux qui s'accrochent à la fin de leur monde d'avant. 
Depuis la vue sur le lac desséché, annonciateur d'un avenir incertain, Stéphane Braunschweig maille les conflits intergénérationnels, les insatisfactions personnelles sans jamais occulter la question fondamentale de la place de l'art et de l'artiste dans la société. 
 
Stéphane Braunschweig attise notre excitation quand ses comédiens, un à un, rejoignent depuis la salle le plateau et se retrouvent devant le rideau prêt à affronter la tragédie Tchekhovienne. Sharif Andoura, Jean-Baptiste Anoumon, Boutaïna El Fekkak, Denis Eyriey, Thierry Paret, Ève Pereur, Lamya Regragui Muzio, Chloé Réjon, Jules Sagot et Jean-Philippe Vidal, d'un costume, d'un accessoire, d'une posture, redessinent les enjeux d'un texte immuable dans ce qu'il dit du déséquilibre des rapports humains et des chamboulements sociétaux en devenir.
 
Attentif aux questionnements de notre époque, Stéphane Braunschweig déploie une nouvelle respiration au texte de Tchekhov, donnant une véritable profondeur aux personnages féminins, portés notamment par la comédienne Ève Pereur, incarnation heureuse d'une jeunesse désenchantée en quête de sa liberté. Stéphane Braunschweig sort la mère castratrice, l'épouse adultère ou la jeune femme dépressive de leur carcan caricatural. Chloé Réjon, Lamya Regragui Muzio et Boutaïna El Fekkak s'emparent de la profondeur de leur personnage torturé avec un naturel saisissant, figurant un rapport à la société aliénant mais toujours conscient de cet arrangement avec les possibles de leur condition.
 

Tout en restant fidèle au texte de Tchekhov, le metteur en scène pare son adaptation d'une perspective véritablement humaine centrée sur les caractères. Stéphane Braunschweig extirpe les personnages de l’enchevêtrement de leurs relations pour déployer leur individualité, leur solitude et leur souffrance. Si l'amour dans la Mouette n'est pas heureux, Stéphane Braunschweig revendique la densité de ces personnages mélancoliques, jamais dupes, sensibles plutôt que fragiles, trompés mais lucides.

 

 Crédit photo ; Simon Gosselin

La Mouette d’Anton Tchekhov mise en scène et scénographie Stéphane Braunschweig jusqu'au 22 décembre 2024 à l'Odéon - Théâtre de l'Europe - 

avec Sharif Andoura, Jean-Baptiste Anoumon, Boutaïna El Fekkak, Denis Eyriey, Thierry Paret, Ève Pereur, Lamya Regragui Muzio, Chloé Réjon, Jules Sagot, Jean-Philippe Vidal
traduction André Markowicz, Françoise Morvan
collaboration artistique : Anne-Françoise Benhamou
collaboration à la scénographie : Alexandre de Dardel
costumes : Thibault Vancraenenbroeck
lumière : Marion Hewlett son Xavier Jacquot
maquillage, coiffures : Émilie Vuez
assistant à la mise en scène : Jean Massé
réalisation du décor : Atelier de construction de l’Odéon-Théâtre de l’Europe
production : Compagnie Pour un moment
coproduction : Odéon-Théâtre de l’Europe
avec le soutien du Cercle de l’Odéon
Sophie Trommelen vu le 7 novembre 2024 à l'Odéon -Théâtre de l'Europe