Le théâtre de la Bastille invite le dramaturge italien Davide Carneveli, lauréat en 2018 du prix Hystrio de la dramaturgie, primé en France et en Allemagne et adapté sur de nombreuses scènes européennes.
Sa dernière création Portrait de l'artiste après sa mort vient nourrir le corpus d'une dramaturgie contemporaine dont la trajectoire se situe au croisement des cultures européennes.
Réadapté selon le pays dans lequel il est représenté, Portrait de l'artiste après sa mort se détache d'une traduction littérale pour s’enrichir d'une réécriture à chaque fois personnelle, contextuelle et dès lors connivente avec son public. Portrait de l'artiste après sa mort confronte la dénonciation de la dictature argentine à l'histoire du pays dans lequel le texte est adapté, les dictatures fascistes pour les scènes allemandes et italiennes, la guerre civile en Espagne où la période de l'occupation en France.
Fruit d'un travail de réécriture permanent, Portrait de l'artiste après sa mort se veut un matériau vivant, malléable, qui place toujours les comédiens et le spectateur au cœur de son projet.
L’adaptation française nait de la rencontre de Davide Carneveli et de Marcial Di Fonzo Bo, argentin d’origine, directeur du théâtre Le Quai à Angers. L'histoire personnelle et autobiographique du comédien vient nourrir le récit.
Tout commence par un courrier reçu informant Marcial Di Fonzo Bo qu'il est l’héritier d'un appartement à Buenos Aires, un appartement ayant appartenu à un parent lointain, destitué à Misiti un pianiste dissident politique pendant la dictature militaire et dont la famille revendique la propriété. Marcial Di Fonzo Bo et Davide Carneveli décident de se rendre en Argentine assister au procès de la restitution qui constituera la matière de leur prochaine création qui se revendique du spectacle documentaire.
Construit comme une enquête historique, Portrait de l'artiste après sa mort navigue dans le labyrinthe des archives méthodiquement reconstituées par le comédien et donne voix aux fantômes des desaparecidos qui ont peuplé l'appartement. Pas à pas s'imbrique l'histoire dans l'Histoire de deux artistes en proie à la dictature militaire argentine et aux heures les plus sombres de l’occupation française.
La singularité de la représentation repose sur sa construction. Davide Carnevali crée un pacte tacite avec le public en déconstruisant la fiction pour toujours la replacer dans sa justification dramaturgique.
Complétement détaché d'un narratif figé, le comédien Marcial Di Fonzo Bo se saisit de l'ambivalence d'une incarnation qui toujours se définit comme telle, explicite.
Marcial Di Fonzo Bo resitue le spectateur dans une vérité, celle de la fiction, et replace toujours la représentation dans ce qu'elle est, du théâtre.
Avec un véritable souci du détail intelligible, Marcial Di Fonzo Bo signifie le théâtre, pourquoi nous sommes ici et ce qui va se passer.
Subtilement, en créant la distanciation dès que l'affect submerge, Davide Carneveli met en scène ce qu'il dénonce, la rhétorique des discours nationalistes qui hypnotise son auditoire avec une manipulation populiste bien huilée.
La reconstitution factuelle est portée par une scénographie qui se joue elle aussi d'installer le spectateur dans la fiction, tout en se modulant sous ses yeux pour rappeler son artificialité.
Davide Carneveli et Marcial Di Fonzo Bo manient tous les codes du théâtre pour brouiller les frontières entre la fiction et la réalité.
Convoquant à l'endroit même du plateau, les fantômes de ceux qui, malheureusement, ne peuvent être avec nous aujourd’hui, Davide Carneveli et Marcial Di Fonzo Bo subtilement confortent l'idée que le théâtre, à l’instar d'un musée, est un art bien vivant, au service d'un devoir de mémoire essentiel.
Crédit photos : © Victor Tonelli
Portrait de l'artiste après sa mort (France 41 - Argentine 78) de Davide Carnevali jusqu'au 27 novembre au Théâtre de la Bastille
Texte et mise en scène : Davide Carnevali
Traduction de l’italien : Caroline Michel
Avec : Marcial Di Fonzo Bo
Scénographie : Charlotte Pistorius
Lumières : Luigi Biondi
Musique originale : Gianluca Misiti
Assistante à la mise en scène :
Manuela Beltrán Marulanda
Régie générale et plateau : Vincent Bedouet
Régie son et vidéo : Loïc Le Bris
Le décor du spectacle a été réalisé par l’Atelier de scénographie du Piccolo Teatro di Milano.
Production et diffusion Jacques Peigné et Dorothée de Lauzanne
Production Le Quai – Centre dramatique national Angers Pays de la Loire
Production version italienne Piccolo Teatro di Milano – Teatro d’Europa, créé en mars 2023
Coproduction Comédie de Caen – Centre dramatique national de Normandie, Comédie – Centre dramatique national de Reims, Théâtre de Liège et Piccolo Teatro di Milano – Teatro d’Europa
Création le 13 décembre 2023 à La Comédie de Caen – Centre Dramatique National de Normandie
www.lequai-angers.eu
Texte traduit avec le soutien de la Maison Antoine Vitez – Centre international de la traduction théâtrale.
Sophie Trommelen, vu le 18 novembre 2024 au Théâtre de la Bastille.