Un mari idéal d’Oscar Wilde - mise en scène de Guillemette Regnault

 

Guillemette Regnault et la Compagnie Harpagon ont la très bonne idée de porter à la scène Un mari idéal d’Oscar Wilde.
Sous des airs faussement légers de vaudeville, l’auteur britannique croque avec une verve piquante les mœurs d’une haute société aux apparences vertueuses, aussi brillantes que trompeuses. Point d’infidélité ici pour lancer l’intrigue, mais un soupçon plus grave, celui de la compromission. Wilde interroge l’intégrité morale de ces hommes de pouvoir, gendres idéaux aux carrières politiques éclatantes, que toute fille de bonne famille rêverait d’épouser.
En entremêlant habilement ambitions matrimoniales et calculs politiques, Un mari idéal dévoile avec justesse les mécanismes d’une société où les convenances ne tiennent qu’à un jeu de faux-semblants. 

Guillemette Regnault signe une mise en scène classique dans sa forme comme dans le choix des décors et costumes d’époque, un parti pris bienvenu qui jamais n’empêche le texte de déployer une modernité certaine. Délits d’initiés, chantage, corruption : les frontières entre vice et vertu vacillent subtilement. 

Oscar Wilde s’amuse à malmener les stéréotypes de ces figures bien-pensantes de la haute société londonienne. Guillemette Regnault s’en empare avec finesse, jusque dans les costumes de Claire Bigot qui incarnent visuellement les oppositions : la vénéneuse Mrs Cheveley, blonde fatale en robe de velours pourpre, fait face à la glaciale Lady Chiltern, toute en satin bleu ciel.

Les comédiens –  Matthieu le Goaster, Christophe Paris, Guillemette Regnault, Jean-Pierre Couturier, Margaux Wicart, Marie Van Oost – incarnent chacun les nuances de personnages dont la morale vacille à l’ombre des secrets.

En chef d'orchestre de la fantaisie comique, Matthieu le Goaster brille dans le rôle de Lord Goring. Avec une justesse remarquable, il campe ce double assumé de Wilde lui-même : dandy nonchalant, il infuse avec délice ses petites répliques pleine d'esprit et navigue avec clairvoyance entre les tensions de l’intrigue. Conscient de ses limites, honnête dans ses attentes imparfaites, c'est par lui que ce petit microcosme retrouve son équilibre. Oscar Wilde, avec une tendresse inattendue, offre une rédemption à ses personnages, sauvés par l’amour, l’amitié et une sincérité tardive mais bien réelle.

En s’immisçant dans l’intimité d’un couple, Oscar Wilde démasque l’hypocrisie d’une société qui classe la valeur des hommes selon leur position sociale.
Avec un vrai sens du plateau et un esprit de troupe réjouissant, Guillemette Regnault et la Compagnie Harpagon signent une adaptation aussi vive qu’élégante. Jouant à merveille des quiproquos et rebondissements, ils redonnent à l’idéal d'Oscar Wilde toute sa valeur, celle, précieuse, d'une humanité sincère.

 

Un mari idéal d'Oscar Wilde jusqu'au 17 mai  2025 au Théâtre Clavel.

Metteur en scène : Guillemette Regnault
Avec : Matthieu le Goaster, Christophe Paris, Guillemette Regnault, Jean-Pierre Couturier, Margaux Wicart, Marie Van Oost
Assistant de mise en scène : Margueritte de Chanterac
Costumes : Claire Jacob 
Affiche : Alois Marignane 
 
Sophie Trommelen, vu le 11 avril 2025 au Théâtre Clavel